Jeudi 21 juin 2012, CNIT, La défense

Il a quelques jours s'est tenue la première édition des Assises du Libre et de l'Open Source, véritable tribune à l’occasion de laquelle les grandes tendances et évolutions du marché purent trouver un terrain d’expression prestigieux, par le niveau des sujets et par la qualité des intervenants.

Organisées sur trois jours, elles regroupaient les Keynotes du Salon Solutions Linux, une série de Grands Témoignages de figures internationales du Libre, les Magister Conférences vouées à faire le point sur les grandes tendances du Libre et enfin le Printemps du Libre organisé par le CNLL, le Groupe Thématique Logiciel Libre du pôle Systematic, ainsi que PLOSS.

L'April et inno³ avaient en charge la direction scientifique des Magister Conférences organisées le jeudi 21 juin. Motivée par une réelle volonté de penser les changements pour ne plus les subir, cette journée de réflexions parvint à réunir les acteurs de référence sur des thématiques comme la politique numérique européenne, le rôle du secteur public face face au logiciel libre, le mouvement de l’Open Data et, enfin, le succès de l'Open Innovation.

Alors qu'elle reste encore très méconnue, la politique européenne couvre un espace de plus en plus important dans notre société. Différentes facettes impactant directement ou indirectement le logiciel libre furent exposées : l'étude de l'« Agenda numérique » (mai 2010) et les notions d'interopérabilité, l'évolution du droit d'auteur et du brevet européen. Il convient de saluer l'excellente performance de Jeanne Tadeusz, responsable des affaires publiques de l'APRIL, qui anima cette conférence. Un thème qui n'aurait pu être plus actuel puisque, le même jour, la commission du commerce international du Parlement européen a voté une recommandation visant au rejet du traité Acta.

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Connexe, mais aux enjeux spécifiques, la question du logiciel libre dans le secteur public fut évoquée au sein d'une table ronde animée par Jeanne Tadeusz (APRIL) réunissant les acteurs publics et leurs fournisseurs. François Elie (Adullact) et Loïc Dayot (Mairie de Joinville-le-Pont) exposèrent les besoins et les pratiques des collectivités en matière de logiciel libre. Patrice Bertrand (CNLL et Smile) et Guy Deshayes (Avencall) présentèrent leurs actions face aux collectivités clientes. Enfin, Arnaud Albou présenta les avantages du Libre pour les collectivités, au regard de leur taille et/ou de la récurrence de leurs besoins (qui peuvent parfois être mutualisés à l'échelle européenne, voire internationale), mais aussi de leurs besoins spécifiques (la plupart des progiciels classiques étant insuffisamment adaptés, de nombreux développements sont nécessaires – et devront être renouvelés à chaque nouvelle version du logiciel puisqu'il n'y a aucun contrôle sur la roadmap du projet. Premier constat : même pour les collectivités utilisatrices précoces de logiciels libres, force est de constater que la réflexion sur les pratiques (sélection du type de marché, rédactions des Appels d'offres, etc.) n'a pas été suivie ni soutenue par une véritable stratégie ou politique en faveur de l'Open Source. Second constat : dans une logique de mutualisation et de rationalisation des dépenses, les collectivités entrent progressivement dans une démarche proactive en faveur de l'Open Source, au point d'être aujourd'hui responsables du développement de certains projets logiciels libres (comme en matière d'archivage avec as@lae). Le Conseil d'État, dans la droite lignée des décisions des tribunaux américains et italiens, a un regard bienveillant sur ces pratiques qui favorisent l'innovation et la concurrence, notamment aux profits des acteurs locaux. Ce rôle modifie néanmoins leur manière de concevoir leurs services d'information, la rédaction de leurs appels d'offres, les relations avec leurs prestataires, les autres utilisateurs, leurs partenaires, les communautés, etc.

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Apparu tardivement sur le devant de la scène politique, le mouvement de l’Open Data connaît depuis 2011 une progression fulgurante et ne pouvait être ignoré au regard de son potentiel politique et économique, notamment pour l'industrie du logiciel que réunissait le salon. Animée par Benjamin Jean (inno³), cette table ronde réunissait un panel d'intervenants de renom. Simon Chignard (Cantine numérique rennaise et auteur de l'ouvrage "L'open data, comprendre l'ouverture des données publiques") peignit un tableau exhaustif décrivant l'émergence du phénomène au travers de l'édiction des principes fondateurs et leur adoption par le secteur public. La parole fut ensuite donnée à trois initatives essentielles au succès de l'Open Data : Gael Musquet (Président d'Open Street Map France) présentant le mouvement communautaire Open Street Map et les services associés, Tangui Morlier (cofondateur de l'initiative Regards Citoyens) expliquant les enjeux politiques sous-tendus par l'Open Data et la nécessité d'organiser une véritable transparence au bénéfice de "citoyens acteurs", et Adrienne Alix (Directrice des programmes de Wikimedia France) évoquant la complémentarité entre l'Open Data et les actions de Wikimedia ainsi que les enjeux pour les années à venir (nécessitant de lever un certain nombre d'obstacles à l'ouverture des données culturelles détenues par le secteur public). Enfin, François Élie (Président de l'adullact) est venu évoquer les enjeux ainsi que les dangers auxquels devront faire face administrations, collectivités et citoyens soucieux d'une bonne gestion de l'argent public. Des conseils d'ailleurs devancés par la plate forme OpenDataFrance.net grâce à laquelle plusieurs dizaines d'administrations travaillent ensemble afin de mutualiser et partager leurs expériences.

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Enfin, Benjamin Jean (inno³) anima la dernière table ronde sur le thème de l'Open Innovation, concluant cette journée de Magister conférences avec l'idée que l'ensemble de la création et de l'innovation s'ouvrait (ou s'ouvrirait) inévitablement. Ainsi, quels que soient les enjeux sociétaux ou éthiques, les sociétés d'aujourd'hui doivent nécessairement penser l'innovation comme étant collaborative et participative -- où il n’est plus question d’être le premier à créer ou à inventer, mais à le faire avec, et grâce aux autres. L'étude d'un tel phénomène doit nécessairement mêler réflexions scientifiques et méthodes empiriques. Après une présentation des concepts de l'Open Innovation et des différents modèles (du plus au moins ouverts) par Valérie PEUGEOT(orange labs et Vecam), François Pellegrini (Aquinetic) est venu présenter les avantages de l'Open Innovation au sein d'une politique locale participative. Tirant profit de ses nombreuses expériences en termes d'innovation ouverte, Jean-Pierre LAISNE (Bull et OW2) est venu rappeler que l'adoption d'une telle logique de collaboration, voire coopétition, était très souvent une question de bon sens -- raison pour laquelle le "comment" était généralement plus important que le "pourquoi". Jonathan Le Lous (Alter Way) et Manuel VACELET (Enalean) sont ensuite préciser que si la société d’aujourd’hui est elle plus ouverte, elle est aussi plus agile : en cela l'innovation ouverte est un élément d'un ensemble plus vaste qui comprend des échanges fluides non-hiérarchiques et une approche qui intègre les utilisateurs. Ces trois éléments sont consubstanciels aux nouvelles formes d'innovation. Le logiciel libre correspond à ces attentes et c'est sans doute ce qui justifie son utilisation croissante dans notre société. Plusieurs constats ressortent de cette table ronde : même s'il est aujourd'hui évident qu'il est préférable pour toute entreprise (et ses clients) de ne pas réinventer la roue, il convient alors d'étudier chaque opportunité d'ouverture d'un bien immatériel au regard du potentiel stratégique de celui-ci.

La question de l'Open Innovation ayant été posée au sein d'un salon dédié à l'Open Source, il convenait enfin de positionner l'Open Source vis-à-vis de l'Open Innovation : pour reconnaître que les deux notions ne se recouvraient pas (l'Open Source n'induit pas nécessairement une politique d'innovation ouverte et l'Open Innovation ne s'étend pas nécessairement jusqu’à l'usage de licences libres).

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Après de longs échanges entre les intervenants et le public, les Magister conférences fermèrent leurs portent aux alentours de 18h30.

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